Les investigations entomologiques nous amènent parfois dans
des endroits où la nature reprend ses droits, lorsque
l’anthropisation se voit contenue par une sanctuarisation
industrielle. C’est le cas de l’usine de Sucre Saint-Louis à
Marseille, autrefois réputée pour son activité. Le site est
aujourd’hui un délaissé industriel d’environ 11 hectares,
composé de bâtiments anciens et de petites friches urbaines
(Fig. 1, 2 & 3). Il n’est cependant pas un isolat, malgré son
enclavement en milieu urbain. En effet, le secteur de Saint-
Louis est bordé par un ruisseau, le ruisseau des Aygalades. Ce
continuum hydrophile et sa ripisylve, constituent une
opportunité pour le déplacement de la faune au cœur de la ville.
Le ruisseau est quasiment relié plus au Nord – par la présence
de milieux ouverts – au Canal de Marseille et par conséquent à
la Zone Spéciale de Conservation « Chaine de l’Étoile et massif
du Garlaban ». Au sud, il se déverse dans le port de Marseille
La prospection du site le 22 septembre 2021, nous a permis
l’observation d’un Vespidae inédit pour la faune de France : le
Frelon oriental (Vespa orientalis Linnaeus, 1771) (Fig. 4). Il a été
observé en compagnie du Frelon européen (Vespa crabro Linnaeus,
1758) (Fig. 5) et du Frelon asiatique (Vespa velutina Lepeletier,
1836) (Fig. 6). Une trentaine d’ouvrières de Vespa orientalis
prospectant des inflorescences de Diplotaxis tenuifolia (L.) (Fig. 8) a
été observée, treize d’entre elles ont été pointées dans le cadre de
notre étude et neuf ont pu être collectées (leg. A. Coache). Une
seconde prospection, effectuée le 29 septembre 2021, nous a permis
l’observation d’une vingtaine de nouveaux individus et la capture de
neuf spécimens, la plupart butinant sur Hedera helix L. (cf. photo de
couverture) (1 ♀, 1 ♂, 7 ☿, leg. B. Gereys & A. Coache) (Fig. 7). Le Frelon oriental (Vespa orientalis Linnaeus, 1771) est
aisément identifiable grâce à un schéma de coloration
caractéristique qui ne le fait ressembler à aucune des 21 autres
espèces de frelons connues dans le monde. Il se reconnaît à la
combinaison des caractéristiques suivantes : tergites II, V et VI
entièrement rougeâtres ou bruns sombres, tergite III et
généralement tergite IV à prédominance jaune (Fig. 4)
Cette espèce présente une large distribution. Son aire naturelle est
composée des Balkans et de quelques îles de la mer Égée, de la
Bulgarie, de la Turquie, de Chypre, du sud de l’Italie dont la Sicile,
de Malte, du nord-est de l’Afrique et du Moyen-Orient. Elle est
également citée du Turkménistan, du Tadjikistan, de l’Iran, de
l’Ouzbékistan, d’Afghanistan, du Pakistan, du Cachemire, d’Inde
et du Népal (Archer, 1998, 2012 ; Carpenter & Kojima, 1997 ;
Ćetković, 2002).
En Italie, l’espèce a récemment été signalée à plusieurs reprises
dans le nord du pays où elle était absente jusqu’à récemment. Un
spécimen a été observé à Gênes en 2018 (https://
www.vespavelutina.eu/en-us/news/ArticleID/146). Une population
établie a été signalée dans la ville de Trieste (Bressi et al., 2019) et
un nid a été observé à Grossetto en Toscane en 2021 (http://
www.stopvelutina.it/primo-nido-di-vespa-orientalis-in-toscana/).
Elle est signalée depuis une dizaine d’années dans deux régions du
sud de l’Espagne où elle s’est établie, dans la ville de Valence en
2012, puis dans la région d’Algésiras en Andalousie en 2018
(Hernández et al., 2013 ; Sánchez et al., 2019 ; Fajardo &
Sánchez, 2020 ; (https://www.lasprovincias.es/valencia-ciudad/
caza-vespa-orientalis-20201024120955-nt.html).
Un spécimen a été observé à Bucarest en Roumanie en 2019 et
neuf autres dans cette même ville en 2020 (Zachi & Ruicănescu,
2021), ce qui laisse présumer qu’au moins un nid a été édifié dans
ce pays en 2020.
À Gembloux en Belgique, une reine vivante a été interceptée dans
une caisse de pamplemousses (Delmotte & Leclercq, 1980). Un
événement similaire s’est déroulé dans deux supermarchés anglais
où des reines ont été interceptées vivantes dans des caisses de
pamplemousses et d’oranges provenant d’Israël (Edwards, 1982).
Elle a également été signalée dans d’autres régions du monde. En
Amérique du sud, elle est citée du Brésil et de Guyane française
(Buysson, 1905) où elle ne s’est pas établie. Une population semble
s’être récemment établie dans la région de Santiago au Chili (Ríos et
al., 2020). En Amérique du Nord, un spécimen a été collecté à
Mexico (Dvořák, 2006). Un spécimen collecté en Chine a été cité
par Archer (1998). Enfin elle avait déjà été citée de Madagascar où
elle ne s’est pas établie (Buysson, 1905 ; Bequaert, 1918).
Le cycle de l’espèce est classiquement celui d’un Vespidae social de
zone tempérée, les colonies sont initiées au printemps par des
femelles fécondées sortant d’hibernation et elles s’éteignent en fin
d’année. Le nid est généralement situé dans un lieu clos sous terre
ou au dessus du sol (fissures de rocher, espaces dans des murs ou des
plafonds, ruches vides, etc.), mais aussi dans des endroits plus
exposés comme des avant-toits. Les nids souterrains sont dépourvus
d’enveloppe alors que ceux qui sont exposés en possèdent une
(Archer, 1998). La synanthropie de l’espèce a été soulignée par
Archer (1998).